Le golfe de Guinée occupe une place stratégique pour le commerce maritime, véritable carrefour entre l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et le reste du globe. Mais cette mer poissonneuse, qui nourrit chaque jour des millions d’habitants, reste traversée par des vents contraires : la sécurité y demeure une préoccupation constante.
Plan de l'article
Piraterie persistante
La piraterie n’a rien d’un vieux mythe dans le golfe de Guinée. Ces dernières années, les attaques se sont multipliées, faisant planer un climat d’insécurité sur chaque traversée. Les pirates, organisés et bien équipés, s’en prennent aux navires marchands, dérobant cargaisons, carburant, liquidités, et parfois, emportant des membres d’équipage en otage pour réclamer des rançons. Face à cette menace grandissante, l’Organisation maritime internationale (OMI) a réagi en coordonnant le déploiement de forces navales, en intensifiant les patrouilles et en diffusant des protocoles de sécurité éprouvés. Ces mesures, à défaut d’éradiquer le fléau, ont permis de limiter certains dégâts.
Vols à main armée devenus courant
Les vols à main armée sont devenus le quotidien de bien des équipages dans la région. Les assaillants ne se contentent pas de frapper au hasard : ils visent l’argent, le carburant, tout bien de valeur à portée de main. Pour tenter d’endiguer ces actes violents, l’OMI encourage la multiplication des patrouilles et la diffusion de pratiques de gestion sécurisées, tout en appelant à une vigilance collective, du port jusqu’au large.
Le trafic de drogue, une préoccupation majeure
Autre réalité difficile à contourner : le golfe de Guinée est devenu l’un des points de transit clés pour le trafic de drogue entre les continents. Les réseaux criminels profitent du flux incessant de navires et de la porosité des contrôles pour acheminer des substances illicites. L’OMI, là encore, tente de riposter par l’augmentation des contrôles, des patrouilles et la circulation de bonnes pratiques parmi les professionnels du secteur maritime.
Traite des êtres humains
La traite des personnes sévit également, sous des formes parfois invisibles. Des trafiquants exploitent les failles du dispositif sécuritaire pour déplacer clandestinement des migrants ou des victimes de réseaux, souvent dans des conditions inhumaines. Cette réalité ajoute une dimension humaine tragique aux enjeux de la région.
Face à ces défis qui s’accumulent, la réponse ne peut être purement sécuritaire. La pauvreté, les inégalités sociales, le manque de perspectives économiques creusent le lit de l’insécurité. Pour espérer un changement, il faut que les États riverains et la communauté internationale s’attaquent à ces racines profondes.
Le cas positif de la Somalie et de l’Afrique du Sud
Pourtant, d’autres régions africaines ont su inverser la tendance. Après avoir connu une explosion de la piraterie entre 2008 et 2012, la Somalie a vu la courbe s’infléchir. En 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies prend une décision rare : il autorise les marines étrangères à intervenir jusqu’aux eaux territoriales somaliennes. Cette offensive conjointe, couplée à une montée en puissance des forces nationales, a progressivement freiné les attaques. Depuis 2017, aucun détournement de navire n’a été rapporté.
La clé ? Un effort coordonné, certes, mais aussi une volonté nationale affirmée. La Somalie a misé sur la formation d’unités maritimes spécialisées, sur le partage d’informations et sur une coopération régionale renforcée, à l’image du Code de conduite de Djibouti (2009, amendé en 2017). L’entrée récente de l’Afrique du Sud parmi les signataires de ce dispositif, en dit long sur l’actualité et l’enjeu de ce type d’accords. Lorsque le mandat du Conseil de sécurité a expiré en mars 2022, c’est sous la pression du gouvernement somalien, désireux de prendre la main sur sa propre sécurité maritime. Ce n’est pas une garantie absolue pour l’avenir, mais ce basculement révèle une nouvelle maturité politique, impensable au plus fort de la crise.
Depuis, au-delà du recul de la piraterie, la zone attire de nouveaux acteurs internationaux qui convoitent ports et bases militaires : preuve que les enjeux maritimes africains sont entrés dans une nouvelle ère géopolitique. Les États du continent prennent conscience de la richesse que représentent leurs espaces marins, et s’organisent pour en défendre l’accès.
Une situation catastrophique dans le Golfe de Guinée malgré des efforts
Dans le golfe de Guinée, les États riverains ont tenté de structurer la riposte. Le Code de conduite de Yaoundé, signé en 2013 par 25 pays, a jeté les bases d’une coopération accrue : échanges d’informations, coordination des interventions, enquêtes conjointes. Pourtant, la criminalité maritime a explosé. En 2020, 130 des 135 enlèvements recensés dans le monde ont eu lieu ici, un chiffre qui glace.
Dans un article du centre de recherches britannique Chatham House, la Dre Alberta Ama Sagoe, à la tête de l’Institut maritime du Golfe de Guinée, dresse un constat implacable : la région reste dans une impasse, malgré les efforts déployés.
“L’architecture de sécurité du golfe de Guinée doit évoluer à mesure que les défis se transforment. La coopération sera mise à rude épreuve, car les pays côtiers africains prennent peu à peu conscience du potentiel économique de leurs mers. Chacun élabore ses propres stratégies de développement de l’économie bleue, au risque de rivalités, tandis que les grandes manœuvres géopolitiques fragilisent les équilibres encore précaires de la région.” Aujourd’hui, il devient urgent de porter une parole africaine forte sur les enjeux maritimes, au-delà des seuls intérêts des États côtiers.
Le golfe de Guinée, miroir de nos contradictions, continue de naviguer entre menaces et espoirs. Sur ces eaux troubles, la sécurité ne se décrète pas, elle se construit, ou se perd, à mesure que les équilibres basculent.

